mercredi 17 décembre 2008


































Texte sur le Thrène

Lamentation pour l’amant disparu

Mon bel amant, mon petit, mon cœur,

il est tard, il est déjà trop tard,

c’est fait et plus à refaire.

Mon cœur a séché,

je me noie dans la rareté de ses larmes.

Il est tard, il est déjà trop tard.

Les vers,

les insectes vont te dévorer,

le temps fera de toi

un paillon à la nuit brève.

Les morts regardent de l’autre côté de l’abîme,

de l’autre côté du puits,

ils arrivent du fond de la peur.

Oh mon bel amant, mon tout petit, mon cœur!

La barque de Caron ne peut se fier à la lune.

Ombres et battements d’ailes furtifs

glissent sur le Styx.

Va-t’en mort !

Gueule de chauve-souris au museau ridé.

Elle te prend sous son manteau de poussière.

Des fleurs poussent sur les pierres.

Il est tard, il est déjà trop tard.

Mon amant, mon petit, mon cœur,

j’ai un couteau planté dans ma bouche.

Une dent de loup te coupe la lèvre,

et c’est moi qui saigne.

Aie, aie, aie, mon amant,

mon tout petit, mon cœur !

Je suis une Cassandre inutile

au rire brisé d’Ophélie.

Après t’avoir pleuré,

après avoir ri aussi,

après la vaisselle et le rangement,

j’irai à la fenêtre de ma chambre

crier au monde :

- Je t’aime, ô toi !

Mon tout petit, mon bel amant, mon cœur !

Dieu t’a insufflé la vie

par le « baiser de sa bouche «

tu as avalé une partie de son âme.

Après, tu as chuté dans le monde

et je t’ai rencontré.

Il faut rendre aux choses leur gloire.

Ce soir je suis nue dans les plis de nos draps,

Nostalghia, nostalghia.

Tu as le visage gris de l’absence.

Tu es le père du vent.

Souffles sur ma peine,

sur la pourpre désolée de mes lèvres.

Sans toi, j’ai les mains déracinées.

Sens-tu le benjoin, la myrrhe et le nard ?

Ils embaument tes cheveux coiffés par Marie.

Mon bel amant, mon tout petit, mon cœur,

il est tard, il est déjà trop tard.

Les oiseaux tombent dans le puits,

tu suis une étoile, nous sommes faibles,

les animaux sont faibles,

l’un est le lieu de l’autre.

Oh mon cœur, mon tout petit, mon bel amant!

Mon dernier cri est pour toi.

Sur ton lit de mort,

je libère mes mains.

Pour toi, la rose se plie

De beauté et de velours rouge.

Bruxelles, Paris 05

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